Entrevue entre vieux

[m'enfin pas tant que ça ]


Kira marchait paisiblement dans les rues, une brindille tombée d'un arbre entre les dents, il la mâchouillait mollement en s'avançant vers le Chasen. Il avait rendez vous avec Elle, la demoiselle en charge du réveil des trafiqués. Kira avait été envoyé dans le passé peu auparavant et n'avait pas songé boulot tout de suite. Mais maintenant il était temps qu'il s'y mette, parce que bon, les zombies allaient pas attendre qu'il se pointe pour se réveiller. Voyons les choses en face. Il scrutait les gens dans la rue d'un oeil méfiant, comme si certains avaient déjà eu l'occasion de sortir de leur coma rétrospectif. Par la même occasion il s'habituait doucement aux lieux dans lesquels il allait devoir évoluer. Lui et la mémoire... il lui fallait revenir plusieurs fois dans un lieux et traverser plusieurs fois les mêmes rues afin de maîtriser le terrain. Il prenait son temps, il prenait son temps, après tout, il l'avait, et tout celui qu'il voudrait. Après tout un ptit retour dans le futur, suivit de la suite II et III, et en quelques coups de scalpel et une démission et hop ! il devait immortel lui aussi. Mais ça ne l'intéressait pas plus que ça. Lui s'en foutait de vivre éternellement, par contre, vivre avec des organes puissants, ça, c'était une toute autre histoire.

Là de ses réflexions, il faillit louper le Chasen mais il s'arrêta juste. Il s'approcha de l'entrée et pénétra dans le salon de thé. On lui avait vaguement indiqué ce à quoi ressemblait Meiko, eh oui, il n'était pas devin le mignon. Il y avait peu de monde de toute manière dans la salle, ce qui arrangeait Kira.
Il l'aperçut de cette façon très rapidement, elle était là, classe et majestueuse avec un homme, très probablement un client. Kira songea que celui-ci ne tombait pas vraiment à pic. Comme il ne voulait pas les déranger, il songea à se faire remarquer autrement. Il s'avança un peu plus et, avisant un vase sur sa droite, entreprit de le faire chanceler et, évidemment, de le rattraper avant quelque dégât.

Comme prévu, le bruit attira l'attention des quelques personnes présentes et notamment celle de Meiko. En reposant le vase il esquissa un sourire et fit un mouvement de la tête afin qu'elle comprenne qui il était. Elle n'était pas stupide et on devait l'avoir renseignée sur l'apparence de Kira et aussi sur sa venue. C'était donc à la demoiselle de vouloir gentiment dégager l'espèce de lourd qui lui pendait au décolleté afin qu'ils puissent parler tranquillement de leur rôle.

Meiko s'était rendue tôt au travail ce jour là. Si la tâche d'une geisha commençait principalement à la tombée de la nuit, il n'était pas rare d'être demandée dans toute période de la journée. Le matin même, elle avait accompagné, au palais un riche proche de l'Empereur lui-même et avait ensuite du le suivre à ses rendez-vous, pour que l'image qu'il donna à être suivi d'une belle geisha sage et silencieuse fut plus lumineuse encore. La journée se termina au Chasen, le plus grand et beau salon de Thé de la partie Ouest de Tokyo. Meiko s'était installée et servait le thé quand les tasses étaient vides. Les hommes parlaient affaires, affaires dont elle n'avait que faire, leurs entreprises lui importaient peu. Son regard était fixé, perdu sur les fenêtre, guettant chaque jour les passants et leur visage, leur comportement et leur allure. Si par malheur la nouvelle génération d'humanoïdes venait à se réveiller sans qu'elle ne le sache et que des hommes et des femmes comme eux se risquaient jusqu'ici, ils étaient morts.

Un homme renversa un vase et le rattrapa, certaines personnes tournèrent la tête, dont Meiko, machinalement, et comme eux, elle fut frappée de l'accoutrement de ce garçon bien qu'elle ne le montra pas aussi ouvertement que ceux qui commençaient à murmurer avec désaprobation.

Je m'occupe de demander à quelqu'un de bien vouloir raccompagner cet homme à la porte. Excusez-moi messieurs.

Petit éclipse discrète, elle passa à côté de Kira en regardant le sol, avançant à tous petit pas rapides sans lui accorder la moindre attention. Elle savait qu'il était quelque part à Tokyo mais lui était sorti de la tête. Bien sûr, ils devaient se voir, et voir les autres agents qui arpentaient les rues, mais Meiko ,n'avait pas prévu qu'il la trouverait en plein milieu de son travail bien qu'il sache où elle passait son temps.

La jeune femme avança jusqu'à la porte, l'ouvrit, et passa dans le petit hall, comptant sur l'intelligence de Kira pour la suivre sans trop attirer l'attention. Du moins pas plus encore. Elle se retourna, attendit qu'il ferme la porte, et leva lentement les yeux vers son visage.

Vous pardonnerez que je ne vous propose pas de vous asseoir pour boire le thé. Fit-elle en s'inclinant honorablement.

Je pensais que vous seriez plus discret, vos... coutumes vestimentaires futuristes de sont pas les bienvenues ici, vous attirez le regard autant que les Next-Gen le feront, comment ne pas être repéré? De plus, Kira, il me semble savoir que vous êtes vous même un Next-Gen...De niveau inférieur...

Et la demoiselle se leva. Bien Kira ne s'était pas planté. Cela l'arrangeait, à vrai dire, s'il avait toujours était à l'aise quant aux missions à exécuter dans le Tokyo du futur qu'il connaissait sur le bout des doigts, un retour en arrière ne l'arrangeait pas vraiment. Il allait devoir s'habituer à nouveau à cette ville que pourtant, il connaissait si bien. Dingue comme les années font changer les choses. Elle passa devant lui, il la détailla de la tête aux pieds, en une fraction de seconde. La beauté du tissu, les couleurs si particulières et attrayantes, les flottements souples et fins du tissu, de la dentelle n'aurait su être plus légère. Ses pieds, chaussés dans de bien étranges chaussures à talons compensés, ne semblaient même pas s'élever du sol. Même dans son Tokyo à lui, voler sans moyen de locomotion que ses pieds, était extraordinaire. Et là, 500 auparavant, on arrivait déjà à un tel exploit. C'était tout à fait admirable. Elle le dépassa, le laissant cette fois-ci admirer sa chevelure si éclatante. Cela frappa Kira à la vérité. Dans le nouveau Tokyo tout semblait si morne, si noir, si gris, lui-même avait les cheveux foncés, comme la plupart des gens, à l'origine - car bien sûr, masse gens se faisaient des teintures. Et là c'était naturel. On pouvait donc naître avec cette lumière là ? avec ces éclats qui vous irrisent les cheveux, qui vous illumine le visage gracieusement ?
Que de perplexité. De loin, ça n'avait pas autant frappé Kira. Il n'y avait pas fait gaffe, se demandant plutôt s'il ne se trompait pas. Ma foi, étrange. Il entendit à peine ce que Meiko lui dit, bien que, dans un coin de sa mémoire cela s'imprima indubitablement. Puis, songeant à l'impolitesse dont il devait faire preuve, il se reprit et songea à fermer la porte que Meiko avait passée. Puis cette fois, il l'écouta :

Je pensais que vous seriez plus discret, vos... coutumes vestimentaires futuristes de sont pas les bienvenues ici, vous attirez le regard autant que les Next-Gen le feront, comment ne pas être repéré?

Ah... la discrétion, oui... Il n'y avait pas pensé car jusque là cela lui avait apporté du succès auprès de certaines filles. De plus il n'avait pas songé à se changer. Bien, bien, le changement de temps l'avait quelque peu déconcentré. Ce n'était pas bon.

"Vous avez raison. Je n'y ai pas songé, pardonnez cette imprudence. Dès que je pourrais changer de logis et m'approcher de l'endroit où les macchabées connaîtront leur renaissance, j'en profiterais pour enfiler un costume qui convient mieux aux us... et coutumes, de ce Tokyo..."

Puis, avec quelque peu de timidité, il ajouta :
"Dites moi... Il existe des costumes aussi beau ? pour les hommes je veux dire !"
Kira notait parfaitement l'attrait féminin que le vêtement - il ignorait qu'on appelait cela un 'kimono' - de Meiko dégageait, mais les japonais devaient bien avoir un équivalent pour les hommes. Le jeune agent était tout à fait émotionné (si si ça existe) par une telle splendeur, un tel décalage. Il était tout à fait dépaysé, si étonnant soit-il, étant donné qu'il n'avait pas changé de pays.

Puis, elle ajouta une phrase qui le piqua quelque peu :
De plus, Kira, il me semble savoir que vous êtes vous même un Next-Gen...De niveau inférieur...

"Inférieur, dites vous ? ne vous méprenez pas ! on n'a pas dû vous bien expliquer la chose." Kira supportait fort mal qu'on émette une critique - qu'elle fut bonne ou mauvaise - quant à son opération.
"Je suis un agent, mademoiselle, avec tout le respect que je vous dois. Je ne suis pas un test, une expérience."
Il reprit sa contenance et ajouta, sur un ton plus doux et diplomate :
"Enfin, abrégeons, nous ne sommes pas ici pour parler de moi, il me semble."

Meiko ne pu s'empêcher de lever la tête vers Kira à ses paroles. Porter ces vêtements là, pour hommes? Est-ce que son père avait-il eu au moins l'idée d'enseigner aux agents les moeurs des japonais du XIXème siècle? De plus cet homme était lui-même originaire de l'île, Meiko était déçue de la culuture future des otochtones sur leur propre pays et leur passé. Cet homme ne lui plaisait pas. Il serait de ceux qui obéiraient au doigt et à l'oeil à son père. Elle ne voulait même pas tenter de le manipuler, cela comportait trop de risques.

Pour un japonais, vous êtes décevant. Si vous appreniez l'histoire de votre pays plutôt que celle des autres -dit-elle en lorgnant l'ankh qui décorait sa poitrine- vous sauriez qu'à notre époque, les kimonos ne sont plus portés que par les femmes, les prêtres et l'Empereur. Les autres sont les rebelles. Des samouraïs qui se battent contre le shogunat. Se promener ainsi vêtu vous causerez maintes ennuis, à vous, et à moi. Maintenant les paysans portent de simples pièces et les autres des costumes.

"Inférieur, dites vous ? ne vous méprenez pas ! on n'a pas dû vous bien expliquer la chose. Je suis un agent, mademoiselle, avec tout le respect que je vous dois. Je ne suis pas un test, une expérience."

Décidemment, il ne lui plaisait pas. Meiko était piquée au vif par cette vantardise, ce jeune garçon ne savait même pas ce qu'il était -rien- aux yeux de son père et de Fileagan.

C'est vous qui ne devriez pas vous méprendre sur ce que ces hommes ont fait de vous. Une technologie plus avancée, certe, a été pratiquée pour votre opération, mais un next-gen sera toujours meilleur que vous, sinon vous attendriez votre réveil. N'oubliez pas, vous n'êtes qu'un agent.

Avec ceci, elle resta polie mais explicite, un agent ne devait pas se croire au-dessus des lois physiques, et il en allait de sa vie et de celle de Meiko de ne pas se sur-estimer.

"Enfin, abrégeons, nous ne sommes pas ici pour parler de moi, il me semble."

Vous avez raison, je dois vous donner quelque chose.

Meiko défit son obbi (noeud du kimono) et souleva le premier pan de ses innombrables couches compliquées de tissu pour en sortir un petit paquet de soie long et fin.

Ceci protège ce que vous êtes venu chercher. Ne l'utilisez que lorsque vous aurez la confirmation visuelle que le sujet concerné est réveillé, et ne le sortez qu'à l'abri des regards.

La petite geisha posa le paquet entre les mains de Kira et s'inclina respectueusement.

Maintenant, il va me falloir rejoindre mes clients avant que des doutes ne planent, si vous avez des qustions à me poser, faites vite. Je peux trouver une excuse pour partir, mais pas pour me retarder trop longtemps, une geisha repose sur des obligations et des principes, Monsieur.

En résumé, le jeune demoiselle ne devait pas franchement l'aimer. Il reçu une suite de commentaires dépréciatifs à son égard. Elle le recalait une fois de plus sur son rang d'infériorité. Pff, pour qui se prenait-elle ? Ok c'était la fille du scientifique Hatsukoi, et ? être le premier n'est jamais une très bonne chose dans ces cas là. Elle l'énervait. Il n'aimait pas du tout qu'on le rabaisse, il se sentait déjà assez inférieur comme ça. Les Next-Gens n'étaient que des expériences ! tout cela en disait long. Il se sentait affreusement mal à l'aise. Il n'avait pas songé que les rapports seraient si froids. Il devait s'ancrer dans la tête qu'il avait fait un bond de cinq cents ans... Pas évident, quand même.

Ceci protège ce que vous êtes venu chercher. Ne l'utilisez que lorsque vous aurez la confirmation visuelle que le sujet concerné est réveillé, et ne le sortez qu'à l'abri des regards.

Elle lui remit le paquet que Kira tâcha de ranger soigneusement sous ses vêtements. L'échange dura peu afin de ne pas être trop détectable. Après quoi, Sky changea de position, pour essayer de ne pas attirer l'attention de trop de monde.

Maintenant, il va me falloir rejoindre mes clients avant que des doutes ne planent, si vous avez des qustions à me poser, faites vite. Je peux trouver une excuse pour partir, mais pas pour me retarder trop longtemps, une geisha repose sur des obligations et des principes, Monsieur.

Ma foi, qu'elle dispose donc. Kira était encore assez frustré et vexé. Certes il avait du mal à en vouloir aux jolies demoiselles mais celle-ci l'avait quand même bien descendu. Avant de la laisser prendre congé, il répondit à la première de ses invectives :

"Excusez, mademoiselle, mon manque de chauvinisme. Je ne connais pas l'histoire du Japon sur le bout des doigts, il est vrai. Pardonnez aussi l'excentrisme de ces gens qui s'adonnent à une passion différente de celle de leur culture. Mais je suis sûr que vous serez grée (en insistant sur le mot) de combler mes lacunes historiques.
Je ne vous importune pas plus de ma présence. Vous pouvez rejoindre tranquillement vos clients, je comprends bien vos obligations. Je vais rentrer à l'hôtel prendre mes affaires et rejoindre la ferme." Puis, esquissant un sourire goguenard : "Nous nous y croiserons à nouveau sûrement. Avec mon respect, mademoiselle."

Puis, il dégagea sa tête vers le haut, et jeta un regard tinté d'une légère touche de... comment dire, ce n'était pas du mépris, mais plus de la moquerie hautaine. Son sourire venait confirmé le sentiment, il était quelque peu vicieux et moqueur. Sans lui laisser le temps de répondre -dans ces cas là il vaut mieux partir avant que l'autre puisse rétorquer- il s'éloigna de la jeune geisha et reprit son chemin vers l'hôtel. Il jeta discrétement un coup d'oeil vers l'arrière. Bien... Si madame voulait jouer les profs d'histoire, qu'elle le fasse donc. Kira ne s'en offusquait pas, ça l'amusait presque. Foutu japonais, cinq cents ans plus tôt c'était toujours les même : Le Japoooooooooooonnnnnn (). Non, il n'aimait pas particulèrement le Japon. Comment pouvait-on aimer un pays aux villes si noires et tristes ? Rien n'y était particulièrement beau, que le ciel. Il n'appréciait franchement pas ces dédales de rues, ces routes tracées dans le ciel qu'il adorait tant, cette pollution et ces building géants. Il se sentait bien mieux dans cette époque, il devait l'avouer. On y voyait plus clair et les paysages étaient bien plus beaux. Il n'avait pas d'attrait spécial pour l'histoire et la géographie de ce pays qu'il appréciait à peine. Alors ma foi, si on voulait lui rafraîchir la mémoire sur cet archipel, qu'on le fasse. Ce n'était pas dit que la leçon s'imprimerai mieux dans sa cervelle, mais pourquoi pas ?
Kira était quelque peu déçu car il pensait que les japonais de cette ère était un peu moins nationaliste et pointilleux quant à leur histoire, mais il oublait que les japonais avait ce goût si prononcé pour la discipline et la connaissance : Tu seras une encyclopédie, mon fils. Il soupira, cela le dépitait par ailleurs qu'il ne puisse pas porter de kimonos non plus. C'était tellement dommage ! Il se jura cependant de ne pas rentrer dans le futur sans une paire de ces magnifiques vêtements. Ce serait trop bête, c'était si beau et si coloré ! Si différent du reste. A la vérité, Kira s'émmerveillait un peu de tout, car tout était follement différent de ce qu'il connaissait, et, comme un gosse, il découvrait ce monde avec des yeux enjoués et brillants.

Il repensa à ce que Meiko lui avait dit. Il se devait d'être discret, c'était bien là le seul point où elle avait raison. Bien, bien, il devrait tout d'abord penser à changer sa garde robe, car, il était vrai, elle n'était pas franchement cocasse et ne passer pas inaperçue. Eh bien, en route donc.